❧ A Denis Durand. Ode
Ce jour d’hui tandis que l’Aurore,
Titon estant au lit encore,
Le ciel des Indes émailloit,
Et que sous le frais de ses roses
Au souvenir de mile choses
Mon esprit vague travailloit :
La promesse que je t’ai faite
Se voulant découvrir parfaicte
M’a renflammé d’un dous desir,
Et m’a fait decrocher ma lire,
Pour dessus fredonner et dire
Ces vers compaignons du plaisir.
Les biens,
Durand, et la richesse
Qui font hausser la petitesse
Se peuvent avoir en tout tans
Mais non pas une amitié ferme
Qui n’aborne d’un prochain terme
Ses effets rares et constans.
Les raions d’une amitié sainte
Offusquent la personne feinte,
Et la font honteuse à jamais,
Toutesfois je ne doi point craindre
Qu’ils puissent nullement ateindre
L’amitié que je te promets :
Car elle est si clairement seure
Qu’il n’est possible qu’elle meure,
Ni s’obscurcisse tant soit peu,
Aussi le ciel l’a faite naitre
Et veult par tout fére apparoitre
Les clartés de son premier feu.
Recoi-la,
Durand, et me paie
D’une autre bienveillance vraie,
Qui n’ait peur des ans voiagers,
Ni de la mort qui tout moissonne,
Afin qu’une Ode je façonne
Pour le mander aus étrangers.
Tandis puis que l’heure subite
Ton deslogement precipite,
Adieu,
Durand, jusqu’au revoir,
Tu t'en vas, éloigné d'envie,
Cherchant le repos de ta vie,
Cuillir les fruis de ton espoir.
Tu t’en vas heureus, et me laisses
Au milieu de mile tristesses
Malheureusement combatu,
Tousjours pinsé de la tenaille
De cette envieuse canaille
Qui ne hait rien que la vertu.